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« Les Hommes en Noir » de Jean-Michel Fauvergue (Plon)

Avec son dernier livre, « Les Hommes en noir » Servir ou faillir, paru chez Plon, Jean-Michel Fauvergue signe un premier roman au style épuré. L’auteur navigue entre prospection et constat, entre moments de réconforts et d’autres de grande solitude, entre épisodes terribles et moments de pure poésie, entre lumière et ombre.


« Les Hommes en Noir » de Jean-Michel Fauvergue (Plon)
L’écriture riche, claire, vivante, imprime au texte une dynamique, un rythme, une force propre au style de l’auteur, en adéquation avec l’histoire et les personnages.

Résumé : Gaby a enchaîné les missions délicates et les succès à la tête de l’unité antiterroriste. Élu député, puis nommé conseiller spécial auprès du ministre de l’Intérieur, il poursuit son combat contre le fondamentalisme par des moyens politiques.
Mais, dans l’ombre, un danger le guette : il a pour nom Wahid. Il veut venger ses « Frères » tombés sous les balles de Gaby et de ses hommes. Il tisse patiemment sa toile, y mettant toute son énergie, sa détermination et sa ruse.
Leur face-à-face fera vaciller les plus hauts sommets de l’État…

« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance »
« C’est dans cette configuration, les chefs à l’avant, que la colonne des guerriers en noir franchit le seuil de l’enfer. »

Jean-Michel Fauvergue ouvre le premier chapitre de son livre à Paris le 13 novembre 2015. « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance »… « La confrontation », qui reprend le minutage de l'opération et tout l’aspect technique dont le résumé aurait pu s’avérer rébarbatif si le style de l’auteur ne l’avait rendu plaisant à découvrir… Au nom du père… Rendre les armes… Les loups entre eux… Vertige du pouvoir… Illusion des destins… Soldats perdus … 17 chapitres pour lesquels Jean-Michel Fauvergue a le génie de synthétiser en un titre chacun l’intégralité de la narration qui s’y rattache.
 
« Regarde, Servan, le jour se lève, comme tous les jours, comme s’il ne s’était rien passé. Tu crois que la vie va continuer comme avant ? »

Le récit, prenant, haletant parfois, est facilité, de bout en bout de ses dix-sept chapitres, par une lecture fluide et une intrigue menée de main de maitre. Des personnages complexes, une narration puissante, soignée, avec ce premier roman, l’ancien patron du RAID nous plonge avec talent au cœur de la lutte anti-terroriste.

Entre fiction et réalité

« Les familles aisées, attirées par les lumières désormais plus enchanteresses de nouvelles habitations individuelles construites à l’américaine autour du parc d’attraction Euro Disney, abandonnaient l’espace de rêves communs et d’échanges pour s’enfermer dans des villas de solitude. »

Mâtiné de faits réels ancrés en chacun de nous, non exempte d’émotion, voire à certains moments de lyrisme, cette fiction, rappelle, sous le nom de Gaby, une partie du vécu de l’auteur pour, subrepticement, s’en éloigner. L’œuvre dévoile d’abord la dynamique d’un groupe, le RAID, rappelant qu’il est constitué d’hommes, d’êtres humains, avec leur vie propre, leurs propres ambitions, leurs craintes, leurs limites, qu’ils doivent annihiler sous leur carapace d’Hommes en Noir.

« Les appartements, revendus à des bailleurs soucieux de rentabilité, étaient investis par  des familles étrangères, ce qui consolida une double rupture sociale et ethnique. »

De la même façon, avec une clarté déconcertante,  Jean-Michel Fauvergue démystifie les rouages du terrorisme, ses racines, ses implications. Il donne un visage, une vie, des sentiments, un « ordinaire » à des « monstres », Hommes en Noir, eux aussi : c’est la part de l’ombre. Il démonte ensuite la polarisation du pouvoir, celui de la politique d’état. Si Jean-Michel Fauvergue  intègre à son roman les traumatismes qui ont impacté la France, le récit prend une dimension romanesque laissant à l’auteur toute liberté dans l’interprétation de ses personnages et de leurs actions.  

Dualité

Les deux groupes, le Raid et les terroristes sont tous deux habillés de noir, avec la même détermination et le même charisme pour leur chef respectif. Les motifs qui portent chacun des groupes sont des sentiments forts : les valeurs pour les uns, la haine et l’intolérance pour les autres. La part de l’ombre, c’est également cette dualité sur laquelle joue le roman : Gaby, dans le camp du bien et Wahid dans celui du mal. L’auteur met en exergue la fragilité de l’esprit humain, sa psychologie, les conséquences d’un vécu, le pouvoir du non-dit, la souffrance de chacun.  « Les Hommes en Noir » rend aux protagonistes de l’histoire, dans le bien et dans le mal, leur part d’humanité.

Un roman utile à la démocratie

« Cette évidence lui servit à calmer sa conscience et son esprit. Il se contraignit à juger de la situation globale sans tomber dans le piège d’une introspection fouillée. »

« Les Hommes en Noir » est un livre de réflexion. L’auteur y entraine le lecteur dans une quête d’absolu tout en laissant place à la fiction. Et c’est parce que fiction il y a que l’un des personnages placé du bon côté peut se permettre l’inacceptable. Mais est-ce vraiment inacceptable ? A chacun d’y répondre, comme lecteur d’abord, immergé dans l’histoire, parmi les ricochets des balles perdues, puis en qualité de citoyen, un roman utile à la démocratie. 
 
Isabelle Verna-Puget

Isabelle Verna-Puget
Mis en ligne le Samedi 25 Mars 2023 à 23:55 | Lu 516 fois

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